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PLAN DE COMPÉTITIVITÉ : le point de vue d’Hubert Tassin

Le 15 sep­tembre, France Galop a an­noncé un plan à venir pour res­tau­rer la com­pé­ti­ti­vité sur la scène in­ter­na­tio­nale des che­vaux de plat en­traî­nés en France. Hu­bert Tas­sin, pré­sident de l’as­so­cia­tion PP, ad­mi­nis­tra­teur de France Galop, nous a livré son point de vue.

« On ne peut que se fé­li­ci­ter de la ré­flexion ou­verte par France Galop sur la com­pé­ti­ti­vité des che­vaux en­traî­nés en France dans les courses de haut ni­veau en plat. Les P.P. se­ront heu­reux de par­ti­ci­per à cette ré­flexion, pour, bien sûr, qu’elle porte sur des me­sures de fond, struc­tu­rantes et de long terme. Il ne peut en effet s’agir de demi-me­sures, ou pire, de rus­tines de cir­cons­tances prises dans l’ur­gence. La ques­tion de la com­pé­ti­ti­vité des che­vaux en­traî­nés en France ne se rè­glera pas d’un coup de ba­guette ma­gique d’ici le pre­mier week-end d’oc­tobre ou la fin du tri­mestre.

Il faut prendre le temps de l’ana­lyse et de la concer­ta­tion.

Le sujet n’est pas nou­veau. La ques­tion de la com­pé­ti­ti­vité de l’en­traî­ne­ment fran­çais de plat au plus haut ni­veau eu­ro­péen s’est spec­ta­cu­lai­re­ment posée à nou­veau cette année. Bien sûr, des do­ta­tions de plus du double de celles des courses de même ni­veau en An­gle­terre ont ren­forcé les am­bi­tions et le ca­len­drier bous­culé a sans doute joué aussi. Cela dit, le sujet n’est pas nou­veau : on doit rap­pe­ler que l’ins­tau­ra­tion des courses de Groupe est une me­sure pro­tec­tion­niste prise en 1970 par Mar­cel Bous­sac et Jean Ro­ma­net en concer­ta­tion avec les au­to­ri­tés bri­tan­niques après un mee­ting de Deau­ville par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile pour l’en­traî­ne­ment na­tio­nal. Der­rière le Morny de My Swal­low , le Ma­rois de Pria­mos , la Côte Nor­mande de Gold Rod ou le Quin­cey de Lo­ren­za­cio , la raz­zia avait été sau­vage.

Cette année, il n’y a pas que Deau­ville et, sans pré­ju­ger des Grs1 d’oc­tobre à Long­champ, les ar­ri­vées du Jo­ckey Club, du Diane, du Ver­meille ou du Grand Prix de Paris frappent aussi les es­prits. Pour trou­ver des voies et moyens de re­dres­ser la barre, il fait dé­pas­ser les res­sen­tis.

Le grand avan­tage an­glais, c’est le nombre. Le pre­mier avan­tage joué par l’en­traî­ne­ment et de loin le plus im­por­tant, c’est le nombre : pour avoir de bons che­vaux, il fait avoir beau­coup de che­vaux. Les ef­fec­tifs du Galop au Royaume-Uni dé­passent 23.000 che­vaux, dont 13.500 des­ti­nés au plat, et 1.500 mixtes plat-obs­tacle. C’est plus du double de notre bilan. Quoi qu’on puisse in­ven­ter en ma­tière d’évo­lu­tion de pro­grammes ou de tech­niques et de struc­tures d’en­traî­ne­ment, le nombre prime for­cé­ment au final, jus­qu’au plus haut ni­veau.

Pour­quoi cette dif­fé­rence entre deux pays à la puis­sance éco­no­mique com­pa­rable et avec des al­lo­ca­tions ver­sées in­fé­rieures de 40 % au Royaume-Uni par rap­port à la France avant les ré­duc­tions Covid, et de 60 % au­jour­d’hui ? Il y a des pro­prié­taires qui ont des rai­sons – à l’évi­dence pas fi­nan­cières – de mettre des che­vaux à l’en­traî­ne­ment.

Bien sûr, il y a la tra­di­tion, l’amour du che­val, la pas­sion du jeu chez les book­ma­kers. On ne doit pour­tant pas s’ar­rê­ter sim­ple­ment à cela.

Il nous faut plus de han­di­caps. Le jeu est ou­vert là où, chez nous, il est fermé. Les pro­prié­taires an­glais ont une chance de ga­gner des courses et de pou­voir pa­rier sur leurs che­vaux dans toutes les gammes de prix d’achat : ils ont les han­di­caps. Soixante-huit pour cent des courses de plat (et 61,5 % des courses d’obs­tacle) sont des han­di­caps. Tout le monde peut es­pé­rer et, le nombre étant là, peut aussi aller vers les courses à condi­tions su­pé­rieures, les Lis­teds et Groupes. Sans la pos­si­bi­lité des han­di­caps, bien des pro­prié­taires ne peuvent que re­non­cer.

Ne plus cher­cher sys­té­ma­ti­que­ment la vente. Le pro­fil d’ex­ploi­ta­tion des pro­prié­taires an­glais est aussi dif­fé­rent, au-delà de la ca­rence de han­di­caps qui est la nôtre. La po­pu­la­tion de pro­prié­taires-éle­veurs qui s’ap­puient sur un chep­tel d’une dou­zaine de ju­ments de bon ni­veau, pour pro­duire pour la course sans cher­cher à vendre, est un vrai tissu bien étri­qué chez nous. Des ac­teurs qui n’ont pas l’ob­ses­sion de la vente, mais veulent ga­gner des courses, cela donne une vraie pro­fon­deur aux courses clas­siques ou semi-clas­siques bri­tan­niques. Le manque de ces ac­teurs de long terme n’est évi­de­ment pas im­pu­table au dé­fi­cit en ma­tière de han­di­caps. La fis­ca­lité pé­na­lise en France. Mais, pour cette haute ca­té­go­rie, comme pour les pro­prié­taires « de base » peut-être aussi pour les for­tunes in­ter­na­tio­nales ou d’État, c’est l’at­trac­ti­vité des courses qui n’est pas là.

Re­trou­ver de l’at­trac­ti­vité. Ce qui fait la force des courses fran­çaises de haut ni­veau en plat, c’est aussi ce qui éloigne les pro­prié­taires : c’est la ré­pé­ti­ti­vité et l’ar­gent. Nos mai­dens, nos Classes 1 et 2, nos Lis­teds et nos Groupes sont beau­coup mieux dotés que leurs équi­va­lents an­glais. Mais, se­maine après se­maine, ils se dis­putent sur les mêmes pistes, de­vant les mêmes tri­bunes (vides ou à moi­tié vides). L’ar­gent est là, mais l’am­biance n’est pas sou­vent au ren­dez-vous.

Nous n’avons pas de mee­ting de haut ni­veau en plat à l’ex­cep­tion no­table de Deau­ville, des deux di­manches de Chan­tilly et du week-end de l’Arc de Triomphe. Il faut les sanc­tua­ri­ser, mais cela ne suf­fit pas.

Nous ne par­vien­drons pas à faire en France un Ascot et son dé­co­rum mo­nar­chique. Mais un mai­den, une Classe 1 ou 2, un han­di­cap, et même des Lis­teds et des Groupes cou­rus dans des jour­nées « ali­men­taires » chez nous (je m’ex­cuse pour cet hor­rible terme…) peuvent bien être do­tées du double ou du triple de leur équi­valent dans les mee­tings d’York, de Don­cas­ter, de Good­wood, de New­mar­ket, d’Ep­som… Elles ne font pas rêver les pro­prié­taires.

Cas­sons la ré­pé­ti­ti­vité. Pour amé­lio­rer la com­pé­ti­ti­vité de l’en­traî­ne­ment fran­çais au haut ni­veau du plat, nous sa­vons ce qui ne marche pas : l’ar­gent. Si tel était le cas, les al­lo­ca­tions des mai­dens et des Classes 1 et 2, et celles des Groupes, au­raient lar­ge­ment suffi. Aller plus loin dans ce sens ne se­rait pas construc­tif, peut-être même contre­pro­duc­tif.

Conser­vons l’atout fi­nan­cier si élevé, mais jouons-le dif­fé­rem­ment. Cas­sons la ré­pé­ti­ti­vité, la re­cherche de gains illu­soires de pro­duc­ti­vité qui ruinent l’at­trac­ti­vité. Jouons au contraire nos atouts avec des mee­tings sur les hip­po­dromes fran­çais qui peuvent les sup­por­ter, avec l’am­bi­tion qui se trans­met­tra – pour les courses à condi­tions et évi­de­ment des han­di­caps – aux pro­prié­taires.

La si­tua­tion ac­tuelle prouve assez que le sujet n’est pas l’ar­gent. Les courses ont be­soin d’at­trac­ti­vité, d’am­biance. Pour at­ti­rer les grandes for­tunes mon­diales, il faut aussi du local. »